Comment les humains ont changé la face de la Terre
Les données archéologiques montrent que les changements anthropiques ont commencé plus tôt et se sont répandus plus vite qu’estimé précédemment.
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L’Anthropocène est la période au cours de laquelle les activités humaines ont acquis une influence majeure sur le changement climatique et l’environnement. Il est difficile d’estimer le début de cette ère, et en particulier d’estimer l’incidence de l’Homme avant la période historique et les écrits associés. L’hypothèse avait déjà été formulée que la déforestation préhistorique et la riziculture pourraient expliquer l’augmentation préindustrielle des concentrations de méthane et de dioxyde de carbone dans l’atmosphère il y a environ 7 000 ans. Pour le dernier millénaire, les chercheurs se basent sur des documents historiques et, pour la période précédente, sur les observations archéologiques et paléo-écologiques. Les données archéologiques sont d’une grande importance mais jusqu’à récemment il était difficile d’en retirer des tendances globales.
Les travaux de Stephens et al. rapportés ci-dessous suggèrent que la Terre avait déjà été considérablement transformée par les activités humaines il y a 3 000 ans. Ce jalon temporel pour les changements d’origine anthropique de la couverture terrestre est en accord avec les interprétations issues de l’analyse de plusieurs autres sources de données (par exemple, les reconstructions des pertes de forêts en Europe tempérée) et conforte largement l’hypothèse de Ruddiman et al. en 2016 qui voyaient une origine anthropogénique dans le réchauffement préindustriel de l’Holocène tardif.
A contrario, l’utilisation de la base de données historique sur l’environnement mondial (HYDE, Klein Goldewijk et al., 2017), qui simule la couverture terrestre mondiale passée, abouti à des conclusions en contradiction avec celles de Stephens et al. en mettant en avant un faible volume d’impacts anthropiques à l’époque préhistorique.
Ces différences dans les conclusions des deux types d’études peuvent être dues aux biais associés aux données archéologiques qui proviennent d’endroits habités par l’Homme et ne renseignent pas directement sur l’état des zones sauvages. Les enseignements issus notamment de données paléo-écologiques (pollens) devraient conduire à d’utiles comparaisons de dates.
Enfin, si de grandes régions ayant eu une longue histoire d’agriculture et de pastoralisme (Europe et Chine par exemple) au cours des six derniers millénaires devraient montrer des trajectoires globales similaires pour le changement de couverture du sol, quelle que soit la source de données utilisée, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres régions. En Europe tempérée et dans le nord-est de la Chine, le modèle HYDE indique une augmentation exponentielle des terres agricoles et des pâturages il y a environ 1 000 ans alors que les résultats ArchaeoGLOBE pour ces régions font apparaître une importante conversion de terres d’origine humaine il y a 3 000 ans. Quant aux analyses polliniques, qui permettent une estimation des terres libres de toute empreinte, elles établissent plutôt cette augmentation entre 1 000 et 3 000 ans. Quelle que soit la méthode utilisée, les tendances temporelles se ressemblent uniquement dans la zone de forêt boréale européenne.
Quoiqu’il en soit, les résultats très impressionnants des analyses collaboratives du type « big data » effectuées par le consortium ArchaeoGLOBE indiquent que la transformation humaine de la surface de la Terre a commencé bien avant ce que certains chercheurs appellent « la grande accélération » et devraient inciter la communauté scientifique à raisonner sur un plus long terme les émissions de carbone et l’évolution de l’utilisation des terres.