#ScienceDurable – Dans le laboratoire du MNHN, les vers parasites source d’étude et d’inspiration médicale
Auteure : Julie de Bouville, experte en communication
Relectrice : Coralie Martin, chercheuse au Muséum national d’Histoire Naturelle (MNHN)
Lorsque l’on demande à Coralie Martin, chercheuse au Muséum national d’Histoire Naturelle (MNHN), ce qui l’a conduit à étudier de près les parasites, la chercheuse répond sans détour : leur merveilleuse capacitée d’adaptation. « Je suis toujours impressionnée par les stratégies qu’ils adoptent pour assurer leur survie. Lorsque Trypanosoma brucei, responsable de la maladie du sommeil, change sans cesse sa couverture d’anticorps pour se dissimuler, d’autres Toxoplasma gondii se lovent dans les cellules qui sont censées les tuer. »
Les parasites impressionnent aussi bien par leurs capacités d’adaptation que leur taux de multiplication souvent extraordinaire, ou encore leurs modes de circulation efficaces dans tous les écosystèmes …. Le MNHN en détient une des plus grandes collections au monde : « La collection des Vers Parasites du Muséum a été principalement constituée entre 1960 et 1990 sur la base du matériel récolté par le laboratoire dirigé par le Professeur Alain Chabaud, au cours de missions réalisées à l’étranger, précise la parasitologue. Depuis, on vient nous consulter dans le monde entier pour les étudier ou les identifier » Ainsi Coralie Martin se souvient du cas de ce jeune brésilien de 16 ans qui avait un vers de 10 cm traversant l’œil. Le vers était à la fois situé dans la chambre postérieure et antérieure de l’œil. « Ce qui était étonnant, c’est que ce parasite se retrouvait généralement chez les oiseaux, mais pas chez l’homme souligne la scientifique ». Après enquête, les chercheurs ont découvert que le jeune garçon travaillait sur les poteaux électriques ou nichaient de nombreux oiseaux. « Nous supposons que ces nids étaient infestés de puces et de tiques porteuses du parasite, c’est ainsi que la transmission a pu se faire. » Après le diagnostic posé, les chercheurs ont pu affirmer que ce cas était accidentel et que le risque était ponctuel et limité. « Ce type de conclusions, seuls les parasitologues peuvent les poser, pas les médecins qui n’ont pas ces connaissances poursuit Coralie Martin. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de pouvoir travailler ensemble ».
Depuis quelques années, les collaborations pluridisciplinaires se multiplient au travers d’initiatives comme One Health. Née du constat que 60% des maladies humaines infectieuses connues ont une origine animale, One Health invite à une approche collaborative entre les grands secteurs scientifiques pour prévenir et contrôler les infections. En ces temps troublés, ou les crises sanitaires se multiplient, la chercheuse Coralie Martin, se surprend même à rêver de voir ressusciter des professions qui disparaissent sûrement : « Faire appel à des taxonomistes1 spécialistes des moustiques par exemple aurait pour avantage d’aider à déterminer les zones à risque ou circulent les pathogènes, mais aussi et surtout à identifier les espèces qui en sont porteuses. » Car pour le paludisme comme pour la maladie de Lyme, tous les moustiques ou toutes les tiques ne sont pas porteurs du parasite pathogène. « Une réponse fine et mesurée des experts permettrait d’éviter de graves erreurs sur l’environnement, comme ce fut le cas dans les années 60 avec l’emploi massif de DDT dans la lutte contre le paludisme poursuit la chercheuse. » L’emploi du pesticide a eu en effet pour conséquence de s’accumuler dans l’environnement et d’avoir des effets délétères sur la reproduction des oiseaux au point d’être à l’origine du célèbre livre de Rachel Carson « Printemps silencieux » qui fustigeait l’emploi massif des biocides sur l’environnement.
L’étude de la biologie des parasites dans la faune sauvage permet aussi d’extrapoler les connaissances en travaillant en laboratoire pour apporter des informations utiles à la médecine humaine et vétérinaire. « Nous avons été un des premiers laboratoires à développer des modèles d’étude du paludisme chez la souris avec l’agent pathogène Plasmodium précise Coralie Martin. » Une avancée majeure pour la compréhension du fonctionnement d’une des maladies humaines les plus répandues au monde. Présents dans les glandes salivaires du moustique, les parasites sont injectés à l’homme lors de repas sanguin de l’insecte. Ils envahissent d’abord le foie pour se multiplier et donner plusieurs milliers de parasites qui circulent dans le sang. C’est cette phase sanguine qui est responsable des symptômes et la cible des principaux médicaments antipaludiques.
Si l’étude des parasites est porteuse d’espoir pour guérir des parasites, la compréhension de leur fonctionnement est aussi source d’espoir pour la recherche médicale « On touche ici au biomimétisme précise Coralie Martin. On espère en effet pouvoir utiliser certaines molécules que les parasites produisent pour abaisser la réponse immunitaire de l’organisme qu’ils occupent et lutter ainsi contre certaines maladies auto immune. » Si, longtemps, les chercheurs se sont intéressés à quelques groupes présentant une menace immédiate pour la santé humaine ou pour celle des espèces domestiquées, les recherches sur le monde des parasites révèlent depuis peu de temps pourquoi ils représentent une dimension fascinante de la vie par leur capacité adaptative et les promesses de traitements thérapeutiques. L’étude de leur diversité permettra dans les années à venir des avancées majeures pour la santé humaine et la compréhension toujours plus fine du monde du vivant.
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1 La taxinomiste a pour objet de décrire les organismes vivants et de les regrouper en entités appelées taxons afin de les identifier, les nommer et les classer.
Coralie Martin,
chercheuse au Muséum national d’Histoire Naturelle (MNHN)