Impacts des activités humaines passées et présentes sur la biodiversité des forêts de montagne
Interview de : Philippe Janssen, post-doctorant au Laboratoire écosystème et société en Montagne, INRAE
Propos recueillis par : Julie de Bouville, experte en communication
Relecture : Hélène Soubelet, directrice de la FRB, Jean-François Silvain, président de la FRB.
Jeudi 10 décembre 2020, Philippe Janssen a reçu le prix jeune chercheur remis par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. La FRB a salué ses travaux de recherche sur la forêt. Pour Biodiv’mag le scientifique est revenu sur ce travail soutenu en 2016 qui lui a valu les félicitations de son jury de thèse et celles de la Fondation.
Je souhaitais mettre mes compétences d’écologue des communautés au service de la conservation. Je voulais comprendre les mécanismes qui permettent de protéger ou restaurer la biodiversité des forêts. Je me suis donc intéressé à l’influence des activités humaines sur la biodiversité des forêts de montagne, car ce travail avait déjà été réalisé pour les forêts de plaines. J’ai plus précisément cherché à comprendre si les forêts récentes, ayant reconquis des espaces agricoles abandonnés, accueillaient tout autant de biodiversité que les forêts anciennes.
La bonne nouvelle c’est que, dans le contexte particulier des forêts de montagne, la biodiversité s’y porte plutôt bien. Les forêts récentes sont quasi aussi riches en biodiversité que les forêts anciennes, qui se définissent par des sols qui ne doivent pas avoir eu d’autres usages que ceux d’être forestier depuis au moins 150 ans.
Elle correspond à peu près à la date de levé cartographique d’un des documents historiques les plus fiables, la carte de l’État-Major, établie en 1850 et qui offre une photographie passée précise de la géographie française. Par ailleurs, cette date à un autre intérêt. A cette période, la couverture forestière nationale n’a jamais été aussi basse dans l’histoire du pays, on parle de minimum forestier. La France s’est reboisée ensuite. On peut donc présumer que les forêts cartographiées en 1850 sont des forêts ayant connu une plus longue continuité temporelle de l’état boisé et sont donc les plus anciennes du pays.
Plusieurs raisons expliquent la reforestation de la France. La première est contextuelle. La révolution industrielle a conduit la population rurale à quitter les campagnes pour s’installer dans les villes. Cette déprise rurale a permis aux forêts de regagner du terrain sur les espaces agricoles abandonnés. La seconde nait d’une politique forestière de l’État incitant les plantations. A la fin du 19e siècle, de nombreux versants montagneux ont été replantés de résineux, (sapins, épicéas et pins), pour stabiliser les sols et éviter l’érosion des versants. Puis, au sortir de la seconde guerre, pour faire face à la demande croissante en bois, l’État a incité les propriétaires à replanter grâce à des aides venant d’un fond dédié, le Fond forestier national. En 150 ans, la France a ainsi pu voir sa surface forestière doubler et passer de 8 à 16 millions d’hectares.
Cela s’explique par le fait qu’en montagne, les paysages sont davantage dominés par les forêts anciennes. Grâce à elles, les espèces ont pu se disperser plus rapidement et coloniser les forêts récentes. Par ailleurs, les usages passés du sol ont laissé des impacts moins négatifs qu’en plaines où le recours aux intrants et au labour était bien plus facile à pratiquer que sur les versants montagneux. Si l’homme a utilisé la montagne pour des usages agricoles, il a moins modifié les propriétés de l’écosystème, ce qui a permis à la forêt de se régénérer plus facilement et d’accueillir une plus grande proportion d’espèces typiquement forestières.
Absolument, la restauration de la biodiversité forestière apparaît grandement facilitée dans des contextes favorables comme celui des forêts de montagne, du moins pour ce qui est des massifs étudiés dans les Alpes du Nord. Par ailleurs, nous avons aussi montré que, quel que soit l’ancienneté de la forêt, plus elle est constituée d’arbres de gros diamètres et plus les bois morts sont laissés sur place, plus la biodiversité est riche. Cela favorise notamment des espèces très spécialisées qui demandent des conditions écologiques très particulières pour réaliser leur cycle de vie, comme c’est le cas des coléoptères saproxyliques qui dépendent du bois mort ou mourant. La gestion forestière actuelle a donc une réelle influence sur la biodiversité d’aujourd’hui.
Les solutions pour la gestion durable des forêts sont connues. Nos travaux n’ont fait que rappeler qu’elles sont importantes pour la biodiversité. Ainsi, doit on inviter les forestiers à avoir une approche plus écosystémique de la forêt. Il faut par exemple éviter les coupes trop sévères et laisser des arbres mourir sur pied, sans avoir la tentation de les nettoyer car, quel que soit le stade de décomposition des arbres, des espèces comme les champignons, les insectes ou les lichens les investissent. Si on veut favoriser une plus grande biodiversité, il faut laisser le cycle naturel de la forêt se réaliser dans une plus large proportion.
Le milieu de la recherche est très concurrentiel et je cherche un poste fixe. Si nous sommes jugés au nombre et à la qualité de nos publications scientifiques, un prix permet toujours de se distinguer un peu plus. Et puis, au-delà de cela, j’ai été très heureux de recevoir ce prix.
Les travaux de Philippe Janssen ont été récompensés par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.
- Pourriez-vous nous expliquer les raisons qui vous ont amenées à travailler sur les forêts ?
- Les forêts récentes des montagnes sont-elles donc propices à la biodiversité ?
- A quoi correspond cette période ?
- Comment la forêt a-t-elle regagné du terrain ?
- Pourquoi les forêts récentes de montagnes sont elles aussi riches en biodiversité ?
- Le contexte était résilient, en somme…
- Vos travaux ont-ils permis de proposer de nouvelles recommandations aux gestionnaires ?
- Revenons au prix jeunes chercheurs, qu’est-ce que ce prix jeune chercheur va vous permettre.