Journée FRB 2024 sur l’Océan du futur – Les actes
L’océan, constituant plus de 90 % du volume habitable pour le monde vivant, est aujourd’hui gravement menacé par les activités humaines. Face à cette dégradation, il est impératif de trouver des solutions durables pour préserver sa biodiversité et les contributions que les humains en retirent.
La Journée FRB 2024 a rassemblé des experts scientifiques, des décideurs et des acteurs de la société civile pour partager leurs connaissances et proposer des solutions face aux défis de la conservation de l’océan. Organisée en partenariat avec l’Institut océanographique – Fondation Albert Ier, Prince de Monaco, et l’Ifremer, cet événement s’est articulé autour du Nature Futures Framework (NFF), le cadre de scénarios futurs pour la nature, un concept de l’Ipbes. La Journée a été rythmée par les trois perspectives de ce NFF : la nature pour la nature, la nature comme culture et la nature pour la société. L’objectif ? Parvenir collectivement à un avenir plus soutenable pour l’océan.
Par Denis Couvet, président de la FRB, Cyril Gomez, directeur général adjoint de l’Institut océanographique de Monaco et François Houllier, président directeur général de l’Ifremer.
Denis Couvet ouvre la Journée en présentant le contexte et les objectifs de celle-ci.
Les interventions de l’événement seront centrées autour du Nature Futures Framework (NFF), le cadre des scénarios futurs pour la nature en français, un outil proposé par l’Ipbes. La scénarisation des futurs possibles ou souhaitables peine à prendre en compte complètement la biodiversité (voir par exemple les scénarios Transition(s) 2050 de l’Ademe). Pour combler ce manque, le NFF propose trois axes sur lesquels s’appuyer pour combler ce manque :
- La nature pour la nature
- La nature comme culture
- La nature pour la société
Ce cadrage va-t-il fonctionner ? Va-t-il inspirer l’ensemble de la société et de la communauté scientifique ? Cela reste à déterminer… Un des enjeux de cet événement est d’en clarifier les concepts sous-jacents, conférant ainsi à la Journée son côté expérimental. Que va-t-il en sortir ?
Cyril Gomez commence par résumer l’histoire de l’Institut océanographique de Monaco. Depuis plus de 100 ans, s’y poursuivent les missions de faire connaître, aimer et protéger l’océan. Le directeur général adjoint de l’Institut s’intéresse ensuite à la protection des océans. Les nombreux accords internationaux, que ce soit à l’échelle globale ou à l’échelle régionale, n’ont pas permis de protéger les océans à la hauteur des enjeux et des défis rencontrés. Le challenge est de taille pour aller au-delà des aires protégées “de papier” et favoriser la mise en œuvre d’aires marines protégées efficaces.
Pour François Houllier, le sujet de la biodiversité océanique est doublement invisible. Dans le système d’organisation de la recherche qui est en train d’évoluer, avec par exemple des agences de programme, l’océan n’est pas affiché en tant que tel. La biodiversité marine est ainsi l’invisible de l’invisible, car masquée par les enjeux réels liés à la biodiversité continentale. Le président directeur général de l’Ifremer confirme que l’approche expérimentale du NFF lui semble intéressante et doit permettre de regarder cette question de la relation entre nos sociétés et la biodiversité marine d’une manière plus riche et plus large.
- Comprendre le NFF et son intérêt appliqué aux océans
Par Ghassen Halouani, cadre de recherche en modélisation écosystémique au Laboratoire Ressources halieutiques, Ifremer, HMMN.
Pour cette première conférence de la Journée, Ghassen Halouani présente le Nature Futures Framework et son application aux océans. Les scénarios actuels présentent des limites surtout quand il s’agit de leur utilité pour la biodiversité. Le NFF a été développé par le groupe “scénarios et modèles” de l’Ipbes pour pallier ce problème : c’est un outil souple pour faciliter l’élaboration de scénarios et de modèles d’avenir souhaitables pour la population, la nature et la Terre nourricière.
Le NFF est représenté par un triangle mettant en avant les trois principales perspectives sur la relation entre l’humain et la nature :
- la nature pour la nature, qui met l’accent sur les valeurs intrinsèques de la nature.
- la nature pour la société, mettant en évidence les avantages utilitaires que la nature offre à la société ;
- la nature comme culture, qui expose les valeurs relationnelles avec la nature.
Pour le chercheur, la réalité est toutefois un peu plus complexe, il faut prendre en considération la combinaison de ces différentes perspectives. Le NFF est un concept assez récent qui a été approuvé lors de l’avant-dernière plénière de l’Ipbes en 2022. Les premiers articles scientifiques sur le sujet commencent tout juste à être publiés.
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La tête dans l’eau, un océan à protéger : ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas
Animation par Allain BougrainDubourg (Président Cos FRB, LPO)
En ouverture de cette première partie, Allain Bougrain-Dubourg déplore le fait que l’intérêt pour la biodiversité soit prioritairement guidé par l’efficience et le profit. Mais qu’est-ce que nous apporte la biodiversité ? À quoi sert-elle ?
Le président de la LPO et du Conseil d’orientation stratégique (Cos) de la FRB pose le constat que les humains sont les dominants sur la planète. Au-delà de leurs intérêts particuliers, ils ont donc un devoir éthique de respect et de protection du plus puissant à l’égard du plus faible
- Explorer les grands fonds marins ? Points de vue de l’éthique
Par Bernadette Bensaude Vincent, philosophe et historienne des sciences
Bernadette Bensaude-Vincent s’interroge sur l’exploitation de l’océan et son statut juridique. L’exploration peut conduire à l’exploitation, au risque de perturber la biodiversité et le climat. En tant que rapporteur du comité Ethique en commun, elle recommande de rassembler tous les acteurs de la recherche pour expliciter en toute transparence les enjeux de connaissances lors du suivi d’un projet. Cette démarche permettrait d’éviter de basculer du côté de l’exploitation. Quant au statut juridique des grands fonds marins, trois options lui semblent envisageables : considérer l’océan comme bien commun de l’humanité, comme patrimoine commun de la Terre ou encore comme personne juridique.
(Re)voir l’intervention de Bernadette Bensaude-Vincent
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- L’impact de l’activité humaine sur la taille corporelle des poissons
Par Tom B Letessier, chercheur au Cesab et à l’Institut de Zoologie de la Société zoologique de Londres
Tom B Letessier s’intéresse à la taille des poissons pour mieux comprendre l’impact des activités humaines et l’efficacité des mesures de conservation.
Ses travaux montrent que les plus grands individus sont présents dans les milieux pélagiques (en pleine mer), éloignés des activités humaines et dans des aires marines strictement protégées. Dans les milieux benthique (sur les fonds marins) comme pélagique, ils démontrent que plus l’aire marine est protégée, plus les individus sont grands : signe d’une bonne santé de l’écosystème. Le chercheur défend ainsi le fait que, pour être efficaces et sauvegarder les grands prédateurs les plus vulnérables, les aires marines protégées doivent considérer le milieu pélagique et être à bonne distance des activités humaines. Pour le système benthique en revanche, les interventions de conservation sont les plus efficaces à proximité des villes.
(Re)voir l’intervention de Tom B Letessier
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- Fausse bonne idée « Aires marines protégées » *
Par Matthias Gaboriau, chargé de mission “Indicateurs et synthèses de connaissances en appui à la décision” à la FRB
Pour clore cette première partie “Nature pour la Nature”, Matthias Gaboriau aborde la question des aires marines protégées sous forme d’un quiz ludique. Pour ce premier quiz, le contexte est le suivant :
une région française possède deux aires marines protégées couvrant environ 1 000 hectares chacune et 10 % de leur surface est intégralement protégée. Un gestionnaire doit arriver à une surface totale de 5 000 hectares protégés et, pour atteindre cet objectif, il réfléchit à trois solutions possibles :
- Créer une très grande aire marine de 7 000 hectares dans une zone déjà dégradée et réouvrir les deux autres aires marines.
- Conserver les deux aires déjà en place et en créer une troisième de 3 000 hectares.
- Augmenter les deux aires marines déjà existantes pour atteindre 5 000 hectares.
Quelle est selon vous la fausse bonne idée parmi les trois propositions ?
(Re)découvrir la réponse avec Matthias Gaboriau
Vers un territoire marin partagé entre les vivants (des pistes de réponses)
Animation par Claude Fromageot, administrateur de l’association RespectOcean, membre de l’école doctorale du MNHN et vice-président du Cos de la FRB
Claude Fromageot introduit la deuxième partie de la Journée : nature comme culture. Le terme de “culture” lui évoque trois dimensions : l’hospitalité, la combinaison entre le faire et l’imagination, et le conflit. Il se questionne à travers la notion de culture et l’océan : que faire ensemble ?
- L’impact des changements globaux sur les services rendus par les milieux marins et côtiers
Par Sylvie Campagne, chercheuse postdoctorale à la Station Biologique de Roscoff, Sorbonne Université
Sylvie Campagne explore l’impact des changements globaux sur les activités récréatives et les valeurs de représentations (regroupées sous le nom de “services culturels”) des écosystèmes côtiers et marins. Elle présente ses travaux de recherche dont les résultats n’ont pas encore été publiés. Le manque de données sur les valeurs de représentations tels que les valeurs d’héritage, de symbole ou encore la contribution des écosystèmes dans le bien-être et la santé humaine est mis en avant. L’impact de la pollution sur les services culturels est ambigu et les résultats pointent l’importance de prendre en compte les facteurs indirects de pression sur la biodiversité et les écosystèmes tel que les facteurs socio-économiques. Les résultats interrogent sur la pertinence d’évaluer les services culturels conjointement aux services de régulation et d’approvisionnement à cause de leur spécificité et leur diversité.
- Diversité et singularité des valeurs relationnelles à l’océan
Frédérique Chlous, professeure en anthropologie, directrice générale déléguée à la recherche, l’expertise, la valorisation, l’enseignement au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN)
Frédérique Chlous éclaire le public sur la diversité et la singularité des valeurs relationnelles de l’océan. Comment les définir ? Quelles sont-elles ? Que prennent-elles en compte ? Elle répond à ces questions du point de vue de l’anthropologie. Les valeurs relationnelles mettent en avant des contextes culturels qui intègrent de nombreux éléments, dont les cosmogonies, savoirs et relations sensibles. Cependant, seulement 6 % des études d’estimations de valeurs se concentrent sur celles-ci. Pourquoi si peu ?
La conférencière aborde également la singularité de l’océan, notamment à travers la diversité des liens qui unissent les sociétés humaines aux océans dans le temps et l’espace.
Elle conclut en se demandant comment intégrer les valeurs relationnelles dans les scénarios futurs.
(Re)voir l’intervention de Frédérique Chlous
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- Fausse bonne idée « Tourisme » *
Par Aurélie Delavaud, responsable du pôle Science et communautés de recherche à la FRB
Aurélie Delavaud propose un quizz au sujet du tourisme de nature. Pour encadrer le tourisme lié à l’océan, plusieurs options s’offrent à un décideur :
- Substituer les activités d’observation en milieu naturel par des activités d’observation ex situ ;
- Considérer le tourisme comme une pratiques impactantes au même titre que des pratiques sectorielles comme la pêche, la pisciculture, le développement des énergies renouvelables ;
- Effectuer une planification spatiale et temporelle des activités.
Quelle est, selon vous, la fausse bonne idée, celle que le décideur ne devrait pas choisir ?
(Re)découvrir la réponse avec Aurélie Delavaud
Les impacts et les contributions : de la terre à la mer et inversement
Animation par Sita Narayanan, directrice de l’aménagement et du développement durable au Grand Port Maritime de la Guadeloupe et membre de l’APP de la FRB
Pour débuter cette troisième partie de la Journée, axée sur la nature pour la société, Sita Narayanan nous emmène en Guadeloupe. Territoire ultramarin français au cœur de la Caraïbe, la Guadeloupe est composée d’une société multiculturelle au sein d’une terre et d’une mer à la richesse spécifique unique. Le Grand port maritime de Guadeloupe est un acteur indispensable sur ce territoire, notamment pour la préservation de la biodiversité.
- Contributions de la biodiversité marine aux sociétés humaines : comment passer d’une approche corrélative à la causalité puis aux solutions basées sur la nature ?
David Mouillot, professeur à l’Université de Montpellier et membre senior de l’Institut Universitaire de France
David Mouillot se focalise sur les interactions entre humains et nature en mettant l’accent sur les aspects de causalité. Les résultats de ses recherches montrent le lien potentiel entre la mise en place d’aires protégées et l’augmentation des richesses matérielles des sociétés rurales côtières d’est Afrique. Le professeur examine ce sujet à travers trois niveaux de causalité : le niveau associatif, le niveau intervention et le niveau contrefactuel.
En étudiant les poissons récifaux, lui et son équipe ont aussi estimé 29 contributions de ces poissons pour l’humain et la nature. Leur but est dorénavant de mettre en place des scénarios en partant des sites défavorables pour l’humain et la nature et de déterminer les actions de gestions permettant d’améliorer ces sites sur ces deux aspects.
(Re)voir l’intervention de David Mouillot
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- Pollution plastique dans le continuum Terre-Mer : des zones d’accumulation de macrodéchets à la formation de microplastiques
Johnny Gasperi, directeur de recherche à l’Université Gustave Eiffel
Johnny Gasperi retrace le parcours de la pollution plastique dans le continuum Terre-Mer. Selon lui, pour construire l’océan du futur, il est nécessaire de quitter cette limite physique de l’océan et de remonter sur les estuaires, les continents et in fine sur le milieu urbain. Le chercheur et son équipe ont étudié la trajectoire de déchets plastiques dans plusieurs fleuves. Il en résulte que les déchets sont soumis à des phases de remobilisation et d’échouage, autrement dit que leur trajet n’est pas linéaire jusqu’à l’océan. La probabilité qu’un déchet perdu en milieu urbain atteigne l’océan est donc très faible. Dans les zones d’accumulation de ces fleuves, là où la quantité de déchets est très importante, des quantités notables de macroplastiques et de microplastiques ont en revanche été détectées. D’après l’orateur, pour imaginer l’océan du futur, il ne faut plus seulement considérer la pollution arrivant aux océans, mais également celle transitant dans les fleuves.
(Re)voir l’intervention de Johnny Gasperi
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- Fausse bonne idée « Captation de carbone » *
Par Devi Veytia, post-doctorante FRB-Cesab sur le PPR Océan
Devi Veytia dédie ce dernier quizz de la Journée à la limitation du dioxyde de carbone dans les océans. De nombreuses méthodes explorent la manière dont les puits de carbone océaniques peuvent être utilisés, mais certaines sont plus courantes que d’autres. Parmi les trois propositions qui suivent, laquelle serait la moins efficace ?
- Restaurer et conserver les écosystèmes de carbone bleu ;
- Mettre en place des cultures de microalgues et une sédimentation assistée ;
- Augmenter l’alcalinité de l’océan.
(Re)découvrir la réponse avec Devi Veytia
Recommandations pour vivre en harmonie avec l’océan
Animation par Hélène Soubelet, directrice de la FRB
Avec :
- Lilou Sciortino Monaco, coordinatrice de la Conférence des Nations unies sur l’océan (en juin 2025 à Nice), Ministère de l’Europe et des affaires étrangères
- Loreley Picourt, directrice générale de la plateforme Océan et Climat (POC)
- Hortense Saint Hilaire, chargée de mission projets scientifiques, France Filière Pêche (FFP)
- David Game, directeur du Programme R&D Environnement, société et prospective, Réseau de transport d’électricité (RTE)
- Robin Degron, directeur du Plan bleu, ONU Environnement
Lilou Sciortino Monaco est impliquée dans l’organisation de la prochaine Conférence Océans des Nations unies qui se tiendra à Nice, en juin 2025. Cet événement, visant à accélérer l’atteinte de l’objectif de développement durable (ODD) 14, se trouve à la croisée des trois perspectives du NFF.
Elle reproche cependant à cette conférence de continuer à rassembler la communauté internationale pour faire des promesses d’actions qui ne sont pas suffisamment engageantes et dont les résultats sont insuffisants. Cet événement aura toutefois comme objectif de générer des idées innovantes, de parvenir à des consensus et à des engagements réels, et de fournir les moyens nécessaires aux porteurs et porteuses de ces idées afin d’avoir des changements concrets.
Loreley Picourt est directrice générale de la Plateforme Océan et Climat, un réseau d’organisations de la société civile œuvrant pour la protection de l’océan et la lutte contre le changement climatique. Dans le triangle du NFF, elle aurait instinctivement tendance à placer les objectifs de son organisme dans la perspective “nature pour la nature”. La directrice est cependant consciente des synergies évidentes qui obligent également à se positionner dans la partie “nature pour la société”. Dans les politiques de conservation de la biodiversité, elle déplore une approche trop binaire et des décisions trop souvent prises sans interaction avec les populations concernées. Loreley Picourt préconise des prises de décision basées sur la coopération internationale et le multilatéralisme afin d’adresser la triple crise planétaire : pollution, climat, perte de biodiversité. Elle conclut en expliquant qu’il est essentiel d’avoir une direction concrète et une vision holistique pour obtenir des solutions efficaces.
Hortense Saint Hilaire travaille pour France Filière Pêche, une plateforme de collaboration réunissant tous les acteurs de la filière pêche, visant à accompagner le secteur vers une démarche de progrès. Pour elle, la pêche se situe évidemment dans la perspective “nature pour la société”. Pour envisager une transition plus générale du secteur, l’intervenante désapprouve la mise en opposition des différents types de pêche. Elle insiste sur la nécessité d’investir dans la recherche et l’amélioration des connaissances, tout en soulignant l’importance de rechercher des solutions en partenariat entre les scientifiques et les pêcheurs.
Le rôle de David Game consiste à intégrer les dimensions sociales et environnementales dans les différents métiers chez RTE. Il parle en son nom et non en celui de RTE lorsqu’il se positionne dans la perspective “nature pour la société”. Selon lui, cette perspective est nécessaire, mais elle doit s’appuyer sur les autres côtés du triangle pour être durable et pérenne. Une fausse bonne idée pour lui est de continuer à appeler “aires marines protégées” des zones qui ne le sont pas réellement, où la pêche au chalut est par exemple toujours autorisée. David Game s’inquiète aussi du risque important de décarboner au détriment de la biodiversité marine. Il est essentiel, selon lui, que ceux qui instruisent, préparent et votent les politiques publiques évaluent les projets et décisions en tenant compte des différentes chaînes de pression sur le climat et la biodiversité.
Robin Degron est magistrat de la Cour des comptes, directeur du Plan Bleu, un centre d’expertise régional du programme des Nations unies pour l’environnement. Dans le triangle du NFF, il se positionne aux angles “nature pour la nature” et “nature comme culture”.
Pour continuer de soutenir une agriculture dépendante des ressources en eau, il considère comme une mauvaise idée de désaliniser l’eau de mer. Ce processus consomme une importante quantité d’énergie souvent non renouvelable. Afin d’impacter les décisions politiques, il est crucial, d’après le magistrat, de sortir du cercle restreint des spécialistes de l’environnement et de la biodiversité. Il faut élargir les bases de soutien en impliquant d’autres acteurs par le biais de l’histoire, de la santé et d’autres domaines pertinents.
Par Françoise Gaill, conseillère scientifique au CNRS et vice-présidente de la plateforme Océan et Climat
Clément Lavigne, directeur de la politique de l’océan à l’Institut océanographique de Monaco, Fondation Albert 1er, Prince de Monaco
Et Philippe Billet, professeur à l’Université Lyon 3 et vice-président du CS de la FRB
Pour Françoise Gaill, l’océan représente un enjeu majeur, englobant des défis actuels tels que le climat, la biodiversité et la pollution. C’est probablement l’environnement le moins connu sur Terre et cette méconnaissance engendre des attitudes très variées. Pour la chercheuse émérite, cette absence de connaissances peut ouvrir la voie à de nouvelles possibilités utopiques. Elle explique que dans le cadre du NFF, l’océan peut servir de paradigme pour illustrer de nouvelles perspectives. Il est crucial de s’intéresser à l’urgence de l’état de l’océan et de comprendre comment la connaissance et l’interaction avec les politiques peuvent apporter de nouveaux horizons.
En écoutant les interventions de la Journée, il est apparu à Clément Lavigne que, malgré un consensus général parmi les experts et une partie du public non-spécialiste sur les progrès qui ont déjà été fait et l’importance d’une bonne prise en compte de la biodiversité marine, il reste beaucoup à faire pour transformer ces idées en actions concrètes. Selon lui, une méfiance latente subsiste dans la société civile envers les discours scientifiques, qu’il est crucial de combattre. Pour y parvenir, les organismes recevant du public peuvent jouer un rôle clé afin, notamment, de changer les perceptions publiques et influencer les politiques. La mobilisation du secteur privé, par ailleurs à l’origine de nombreuses pressions sur l’océan, est également essentielle.
Enfin, Philippe Billet clôture la Journée FRB 2024 en partageant ses impressions. Il a été surpris par l’intitulé de la journée : évoquer “l’océan” au singulier alors qu’il existe “des” océans pourrait sembler réducteur, mais cela ouvre en réalité une perspective collective et commune sur cette vaste étendue d’eau et de biodiversité.
Il évoque une relation presque œdipienne de l’homme à l’océan, où le fils tue lentement le père, illustrant ainsi la dégradation progressive de leurs relations. Quelles solutions pour sortir de cette situation : renforcer les normes ? renouer les relations avec la Terre comme patrimoine commun ? Une autre voie pourrait être de considérer l’océan comme une personne non humaine, suggérant un vivre-ensemble d’égal à égal.
Pour Philippe Billet, protéger l’océan signifie s’inscrire dans une perspective libérale, au sens philosophique du terme, dans une relation responsable. Il conclut avec cette phrase : “Si nous oublions trop vite l’océan, l’océan aura tôt fait de nous oublier”.
Basés sur quelques publications et échanges avec des experts du sujet traité, les quizz de cette Journée sont toutefois moins une démonstration d’expertise qu’une ouverture à la discussion sur d’autres sujets qui auraient pu être abordés dans cette partie. Leur objectif ? Apporter des éléments de réponses, et donner à réfléchir au public présent.