[Ipbes 7] Suivez jour après jour le déroulé de la plénière
- 3-4 mai
Après six jours de travail intense, les négociations de l’Ipbes se sont achevées ce samedi en début d’après-midi avec notamment l’adoption du résumé pour décideurs de l’évaluation mondiale de la biodiversité, l’adoption du budget de la plate-forme pour les années 2019 à 2021, l’adoption du second programme de travail 2020-2030, l’adoption des conclusions de l’évaluation externe de la plate-forme.
L’Ipbes a conclu sa 7e plénière le 4 mai 2019 avec en point d’orgue l’adoption du premier rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques et de son résumé pour décideurs.
Le rapport complet a été analysé, soit : plus de 1 800 pages, fondées sur près de 15 000 références, ayant fait l’objet de plus de 13 700 commentaires. Il a été adopté en bloc et reste la référence scientifique. Le résumé pour décideurs, qui en une quarantaine de pages concentre les messages clés, le contexte, les graphiques, des options de trajectoire et de gouvernance ainsi que les sujets de recherche à renforcer, a fait l’objet de négociations entre gouvernements pendant plus de 70 heures – plus de 2 000 commentaires avaient été formulés avant la session. Relativement consensuelles et constructives, elles ont abouti à des compromis serrés, écartelés entre des approches plus ou moins productivistes ou plus ou moins prescriptives notamment sur les points de sensibilités habituels : l’agriculture, domaine sur lequel la France a pu négocier l’intégration de quelques références à l’agro-écologie ; les instruments de mise en œuvre des politiques économiques ; l’usage des terres, les forêts ou les droits des peuples indigènes.
Au-delà de l’accumulation de données chiffrées inquiétantes, le rapport de l’Ipbes souligne que l’érosion de la diversité est généralisée à l’ensemble de la planète et que les actions locales de protection ou de restauration ne suffisent plus. Le changement d’usage des sols, premier facteur, tiré par l’agriculture, interroge sur la durabilité des modèles de production et de consommation de nourriture. La croissance démographique et celle des classes moyennes mondiales exercent une pression matérielle sur notre environnement incompatible avec le maintien des services de régulation qu’il nous rend. En dépit d’une attention formelle plus affirmée portée à la biodiversité dans les enceintes internationales, la mise en œuvre des mesures n’est pas à la hauteur des enjeux. Les trajectoires de rupture avec ces tendances existent, elles sont encore possibles, mais nécessitent des changements systémiques à l’aune de ceux préconisés l’an passé par le rapport spécial du Giec sur les 1,5°C (pour lesquels les politiques agricoles sont, là aussi, au cœur des trajectoires).
Avec ses messages clés, le rapport de l’IPBES fournit à la fois une base scientifique irréfutable et un cadre conceptuel aux résultats auxquels doit parvenir la COP15 qui se tiendra à Kunming en 2020. Ces conclusions correspondent aux options privilégiées par la France et l’Union européenne dans la perspective de cette négociation.
Le résumé, adopté à 11h50 samedi 4 mai, sera rendu public le 6 mai à 13 heures.
Au-delà des mises en garde alarmantes issues de l’évaluation complète, ce résumé présente des éléments de solution vers des trajectoires plus durables, c’est un moment notable pour les sciences de la vie, la coopération scientifique internationale et aussi le multilatéralisme. La prochaine et 8e session plénière se tiendra au Maroc début 2021.
Saluons enfin l’élection du nouveau bureau, composé d’un président, quatre vice-présidents et cinq membres élu à l’occasion de cette plénière. La candidature de Julia Marton-Lefèvre (France), ancienne directrice de l’UICN, proposée par la délégation française a bien été retenue parmi les membres du bureau. La colombienne Ana María Hernández, de l’institut Humboldt, a quant à elle été désignée nouvelle présidente de l’Ipbes, succédant à Sir Bob Watson qui aura remarquablement géré sa dernière session plénière.
- 2 mai
Au terme de la 4e journée de la 7e session plénière de la Plateforme intergouvernementale pour la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), les travaux se sont accélérés afin de pouvoir finir dans les temps vendredi soir.
L’intégralité de la journée s’est déroulée en quatre groupes de contacts, avec trois d’entre-deux en parallèle, une situation qui devient habituelle à l’IPBES depuis sa 5e session tellement les discussions sont riches et parfois animées.
Le groupe de travail sur l’évaluation mondiale avance bien, avec un consensus sur la majorité des messages clés. Le bilan de cette douzaine d’heures de négociation est positif et le travail sur ce qui est appelé « background document », c’est-à-dire les informations complémentaires qui appuient les messages clés, a commencé ce vendredi. L’ensemble des pays montre une bonne volonté de finir les travaux dans le temps imparti et fait preuve de flexibilité en ce sens, tout comme les auteurs principaux dont la présence et les interventions permettent d’éclaircir et de débloquer bon nombre de discussions.
Un groupe de travail dédié à la négociation sur les graphiques du résumé pour décideurs a été créé en parallèle au groupe de travail sur le résumé pour décideurs. De nombreux commentaires ont été soulevés sur chaque élément, même si les débats se sont avérés plutôt constructifs, et les auteurs très à l’écoute.
Les discussions du groupe de contact budget se sont poursuivies dans le calme, avec notamment trois points débattus, les dépenses pour le fonctionnement de la plate-forme et le financement du second programme de travail à l’horizon 2030. La recherche de fenêtres de réduction des dépenses a notamment conduit à aborder à nouveau la question de la temporalité des sessions plénières. Le dernier point débattu a été le mécénat privé et les conditions de sa mobilisation.
Le groupe de travail sur le prochain programme de travail de l’Ipbes présente beaucoup d’enjeux, car de ce consensus dépend par exemple le budget. La validation consiste à approuver le contexte, le contenu et les modalités de mise en œuvre du prochain programme de travail de l’Ipbes.
Malgré de longues nuits à négocier, l’approbation des documents de la plate-forme a pris un nouveau rythme, laissant augurer une finalisation vendredi 3 mai pour une adoption formelle le 4.
- 30 avril – 1er mai
La réception au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) a été un véritable succès, accentué sans doute par le beau temps qui a permis aux délégués de se promener dans le jardin des plantes et d’en découvrir les beautés. Plus de trois cents délégués ont assisté à cette réception et aux discours de Bruno David, président du MNHN, s’exprimant au nom de la communauté scientifique, d’Anne Larigauderie, secrétaire générale de l’Ipbes, d’Emmanuelle Wargon et de Brune Poirson qui ont toutes deux rappelé l’engagement de la France en faveur de la biodiversité et l’urgence à agir.
Le lendemain, le président de l’Ipbes Robert Watson a salué la belle réception au MNHN de lundi soir, la qualifiant de spectaculaire ! Nous pouvons donc nous féliciter que la France ait réussi son pari d’accueillir les délégations dans les meilleures conditions possibles.
Le travail a sérieusement commencé mardi matin avec, en premier lieu, l’étude du résumé pour décideurs sur l’évaluation mondiale de la biodiversité.
Comme pour les autres produits de la plate-forme, cette évaluation est composée d’un document de près de 1 800 pages qui sera « accepté » en l’état par la plénière et d’un résumé qui présentera les messages principaux à destination des décideurs. Ce dernier document doit être approuvé ligne à ligne par l’ensemble des délégations. Le travail est long, mais riche, car il permettra de poser les bases communes des messages principaux, extraits du rapport scientifique complet, dont l’ambition est de générer une prise de conscience à tous les niveaux de la société civile et d’engager nos sociétés vers une transition écologique vraie.
Les précédentes évaluations de la plate-forme ont permis des avancées importantes :
- le rapport sur les pollinisateurs a permis une nette modification dans les discours qui intègrent beaucoup plus les enjeux et menaces pesant sur les pollinisateurs, et notamment les abeilles ;
- ce même rapport a permis le lancement de programmes de recherche ;
- le rapport sur la dégradation et la restauration des terres a généré également des accords pour encourager l’utilisation pérenne des sols ;
- au sein de la convention sur la diversité biologique, les évaluations régionales ont fait l’objet de sessions parallèles avec les délégations pour les sensibiliser et les engager à prendre des mesures permettant de laisser une planète saine aux générations futures.
Ainsi, cette évaluation pose une pierre majeure à un agenda sur la biodiversité chargé. Les données scientifiques solides qui ont été compilées dans le rapport serviront de socle incontestable vers les négociations des conventions internationales telles que le climat, la diversité biologique et notamment les négociations en cours pour un nouveau cadre stratégique mondiale, post-2020, pour la biodiversité.
Les discussions sur l’examen de la plate-forme se sont bien passées, le travail présenté a été salué et le secrétariat a été chargé d’en mettre en œuvre les recommandations dans le cadre du second programme de travail.
Enfin, le groupe de contact pour valider un budget pour la plate-forme s’est réuni sur le temps du repas pour prendre connaissance du rapport du secrétariat sur le budget 2018 et les budgets prévisionnels 2019 à 2030. Ce groupe, qui se réunit traditionnellement sur le temps du repas de midi, une heure peu propice s’il en faut, a connu ce mardi une affluence record par rapport aux années précédentes avec une participation de 30 états membres. Peut-être en raison des enjeux qui portent notamment sur les modalités de financement du deuxième programme de travail qui sera discuté à partir du 1er mai.
- La nuit a été longue
Les discussions sur le résumé pour décideurs de l’évaluation mondiale ont duré jusqu’après minuit mardi soir. Les délégations sont très motivées et prolixes pour améliorer cette évaluation majeure pour notre avenir commun.
Le travail s’est poursuivi activement le 1er mai. La construction du consensus est un processus long et parfois sportif. Car l’essence même de l’Ipbes est justement d’aboutir à ce consensus message par message, ligne par ligne, mais souvent aussi mot à mot. À 132, c’est une gageure que le président Robert Watson essaye de transformer en course de vitesse, car il faut que l’ensemble des 36 pages du texte ait été revu avant vendredi soir, 18h. Un des outils du président pour débloquer des positions parfois antagonistes est la constitution d’un groupe « d’amis de la présidence ».
Au moins 5 groupes ont ainsi été créés mercredi pour avancer sur plusieurs messages clés du résumé pour décideurs afin de lever les incompréhensions. Ces discussions informelles sont assez efficaces et le texte qui résulte de l’agrégation explicite de plusieurs positions est souvent meilleur que le texte initial, et surtout, il est accepté à la plénière suivante.
Ce mercredi a aussi permis d’adopter la décision de mettre en œuvre les recommandations de la revue externe de la plate-forme en vue d’améliorer les fonctions administratives et scientifiques et donc l’efficacité de l’Ipbes.
Enfin, le premier groupe sur le second programme de travail a eu lieu, avec pour ambition de trouver un consensus sur sa temporalité, son contenu et son efficacité à mettre en œuvre les 4 objectifs de l’Ipbes, à savoir :
- mener des évaluations sur la biodiversité,
- appuyer l’élaboration et l’exécution des politiques en identifiant des outils et des méthodes appropriés,
- accompagner les besoins de renforcement de capacités pour améliorer l’interface science-politique, notamment dans les pays du Sud,
- et faciliter une approche coordonnée de la production de nouvelles connaissances.
- 29 avril : De Panama à Paris : une plénière historique ?
Nous sommes au milieu du gué d’un processus historique qui a commencé en 2005 avec une conférence internationale Biodiversité, science et gouvernance, au même endroit, à l’Unesco, au cours de laquelle le président français a appelé à la création d’un groupe d’experts sur la biodiversité et les services écosystémiques. C’est à Panama, il y a 9 ans, que les gouvernements ont pris la décision de créer une plate-forme pour la biodiversité qui est devenue Ipbes en 2012.
Nous sommes aujourd’hui à la septième plénière de cette plate-forme intergouvernementale.
Cette plénière est un important pas pour l’Ipbes, après que le premier programme a été mis en œuvre avec succès. C’est en effet la première évaluation globale intergouvernementale de l’état de la biodiversité, des pressions qui s’exercent sur elle, des actions pour enrayer son déclin et des futurs probables de la biodiversité.
L’agenda international est aligné pour une prise en compte de la biodiversité, avec concomitamment la réunion du G7 environnement à Metz, le sommet du G7 cet été à Biarritz, le congrès de l’IUCN à Marseille en 2020, la COP 15 de la convention pour la diversité biologique.
800 participants sont présents à l’Unesco pour cette semaine de travail chargée.
Après avoir chaleureusement remercié la France, les interventions des délégations ont rappelé en introduction la rapide et historique extinction de la biodiversité, la dégradation de nos écosystèmes et la disparition des paysages culturels dans le monde. Ce n’est plus seulement un problème environnemental, mais c’est également un problème économique, sanitaire, social, de nutrition et de sécurité. La préservation de la biodiversité est à la base de notre capacité à réduire la pauvreté à continuer d’améliorer la qualité de l’eau, de l’air, de la santé humaine et même à conserver ou créer des emplois. Les conditions de vie pacifique en commun sont menacées, préserver la biodiversité, c’est préserver notre vie. Il est urgent d’agir.
La dynamique est incontestablement présente au sein de l’Ipbes, avec deux pays, la Jordanie et le Venezuela ayant rejoint la plate-forme en 2019, portant le nombre de membres de l’Ipbes à 132. Il faut à présent d’urgence « sortir des murs » et engager une démarche historique pour ne pas spolier les générations futures avec une intensité sans précédent.
Le temps du diagnostic est passé, des pistes d’action sont disponibles dans les évaluations et doivent être mises en œuvre en bousculant notre vision sur la manière d’habiter la terre et en participant à diffuser cette vision dans la société civile.
La première session plénière a été ouverte par le ballet « Steps for a change » réalisé par 10 enfants de 7 à 14 ans de l’école de danse « Art en scène de Montpellier ». Le projet a été coordonné par le Dr Yunne Shin, (IRD) auteur principale de l’évaluation mondiale et la chorégraphe, Emily Lartillot. Un documentaire a été réalisé et sera disponible dans quelques semaines.
La danse d’une dizaine de minutes, accompagnée d’une vidéo projection et de jeux de lumière, a été unanimement applaudie par les 800 personnes présentes. Elle porte un message fort sur la perte de biodiversité et nous rappelle que les futures générations nous regardent. Cette prestation rappelle aussi que notre patrimoine matériel et immatériel dépend de la biodiversité même si nous ne savons pas le mesurer.
Le challenge collectif est à présent de faire de la biodiversité une grande cause universelle comme le climat. Et de passer à l’action. Car, ce qui est gagné pour l’instant, c’est la communication. La croissance de la page Ipbes sur Facebook a été de 649 %, un chiffre à faire pâlir de jalousie les grands financiers et, depuis la dernière plénière, le secrétariat est en contact avec 7 200 journalistes dans le monde entier.
Le président Robert Watson a rappelé l’appel du président Macron « We need to make the planet great again » et a enjoint l’ensemble des participants à apporter leurs voix et efforts à la campagne « New deal for Nature and people in 2020 ».
En fin de journée, avant la réception au MNHN, François de Rugy est intervenu devant les délégués du monde entier pour rappeler que les questions liées à l’agenda climatique avait pris une importance considérable et que les priorités de protection de l’environnement pouvaient être traduites en actions à toutes les échelles. La biodiversité est une autre crise, toute aussi grave mais silencieuse avec l’extinction des espèces et la perte des services qui leur sont liés. Il a confirmé que ces évaluations de l’Ipbes constituaient une vue complète et transversale de la biodiversité et que le rendez-vous crucial de 2020 devait être basé sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles.
La France souhaite créer une prise de conscience et une dynamique autour de la biodiversité et appelle à un passage à l’action de la communauté internationale pour protéger les habitats et les espèces sensibles. Dans ce cadre, la France vient d’ailleurs d’adopter une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Mais la tâche est complexe y compris sur notre propre territoire, car les transformations à accomplir sont importantes. Les enjeux de connaissance sont à ce sujet un véritable enjeu.
Enfin, le ministre a encouragé l’Ipbes à aller au-delà de la sensibilisation dans son second programme de travail et à produire des indicateurs adaptés pour engager la transition nécessaire.
Une des premières actions majeures est que la France, grâce à son action a permis que le rapport de l’Ipbes soit présenté au G7 environnement la semaine prochaine par la secrétaire générale de l’Ipbes et de son président Robert Watson.