La diversité des paysages, rempart écologique et sanitaire
L’homogénéisation des paysages agricoles et forestiers, conséquence directe de décennies d’intensification, mine les services écosystémiques dont dépend notre bien-être. La note politique intitulé La diversité des paysages améliore la santé humaine, souligne qu’une plus grande diversité du paysage – entendez : une mosaïque de cultures, de forêts, de haies, de prairies – soutient une biodiversité florissante, qui elle-même favorise la santé mentale, limite les effets des canicules et améliore la qualité de l’air.
La note souligne notamment que des forêts diversifiées, par la variété de leurs espèces et la densité de leurs canopées, atténuent efficacement le stress thermique et filtrent les particules fines. En zone urbaine, elles peuvent réduire la température ressentie de près de 9°C. Autre enjeu de santé publique : même une modification mineure de l’usage des terres, comme l’épandage ou le rejet d’eaux usées, peut contribuer à la dissémination de gènes de résistance aux antibiotiques dans les rivières.
La note politique de Biodiversa+ recommande de restaurer la complexité des forêts européennes, d’intégrer des arbres autochtones dans les plans d’urbanisme, et de mieux encadrer les usages agricoles autour des cours d’eau.
Des systèmes agricoles sains, garants d’une alimentation saine
Second pilier mis en lumière par les chercheurs : la biodiversité dans les systèmes agricoles. La note La biodiversité favorise des systèmes agricoles sains et profite à la santé humaine rappelle que la diversité fonctionnelle – c’est-à-dire la diversité des rôles biologiques joués par les espèces dans un écosystème – est essentielle pour maintenir la santé des cultures, la fertilité des sols et la qualité nutritionnelle des aliments.
À travers les projets FunProd, NutriB2, VOODOO et SuppressSoil, les chercheurs démontrent que la santé des abeilles, par exemple, dépend d’une grande diversité florale, non seulement en quantité mais aussi en qualité nutritionnelle. Réduire cette diversité augmente les risques de transmission de pathogènes entre abeilles sauvages et domestiques. De même, la diversité microbienne des sols permet de réguler les maladies fongiques et les ravageurs, limitant ainsi la dépendance aux pesticides.
Les recommandations sont claires : encourager les pratiques comme la rotation des cultures, la réduction du travail du sol, l’usage du fumier, et inscrire la réduction des intrants chimiques dans la stratégie « De la ferme à la table » de l’UE. La note propose aussi d’intégrer les pollinisateurs sauvages aux législations sur les produits phytosanitaires, jusqu’ici centrées sur les abeilles domestiques.
Prévenir les pandémies en protégeant les écosystèmes
Troisième volet : la biodiversité comme barrière naturelle contre les épidémies. La note La biodiversité réduit les risques pour la santé s’attaque à l’un des enjeux sanitaires majeurs de notre siècle : l’émergence de maladies infectieuses, en particulier zoonotiques. Près de 75 % des nouvelles maladies humaines proviennent d’animaux, souvent sauvages. Leurs transmissions aux humains sont favorisées par la fragmentation des habitats, l’urbanisation, le commerce illégal de faune sauvage, mais aussi la perte de diversité microbienne.
Les données issues de six projets de recherche révèlent des dynamiques complexes. Dans certains cas, une grande diversité réduit la prévalence des agents pathogènes (effet de dilution). Dans d’autres, elle peut au contraire favoriser la transmission si certaines espèces vectrices sont surreprésentées. Une approche fine, locale et interdisciplinaire est donc cruciale.
La note politique de Biodiversa+ appelle à renforcer l’approche « Une seule santé » (One Health), qui lie santé humaine, animale et environnementale. Une surveillance renforcée des pathogènes dans la faune et l’environnement, une meilleure régulation des échanges de faune sauvage, et la restauration ciblée d’habitats clés sont autant d’actions proposées.
Un cap pour les politiques publiques européennes
À travers ces trois notes politiques, c’est une vision intégrée (nexus !) de la santé qui se dessine. Les enjeux ne sont pas seulement écologiques ou agricoles, ils sont sanitaires, sociaux, économiques. La biodiversité est un bien commun, un allié puissant contre les dérèglements de notre époque.
La stratégie biodiversité 2030 de l’UE, la nouvelle loi sur la restauration de la nature ou encore la réforme de la PAC sont autant de leviers. Encore faut-il que ces recommandations scientifiques trouvent une traduction politique à la hauteur de leur urgence.