Changement climatique et lacs – La synthèse de données pour mieux comprendre les impacts des tempêtes sur la température des lacs
Auteure : Marie-Claire Danner (chargée de communication du Cesab de la FRB)
Relecteurs : Orlane Anneville (porteuse du projet Geisha), Pauline Coulomb (responsable du pôle Communication et valorisation scientifique de la FRB), Denis Couvet (président de la FRB)
Référence de l’artcile
Doubek JP, Anneville O, Dur G, Lewandowska AM, Patil VP, Rusak JA, Salmaso N, Seltmann CT, Straile D, Urrutia-Cordero P, Venail P, Adrian R, Alfonso MB, DeGasperi CL, de Eyto E, Feuchtmayr H, Gaiser EE, Girdner SF, Graham JL, Grossart H-P, Hejzlar J, Jacquet S, Kirillin G, Llames ME, Matsuzaki SS, Nodine ER, Piccolo MC, Pierson DC, Rimmer A, Rudstam LG, Sadro S, Swain HM, Thackeray SJ, Thiery W, Verburg P, Zohary T & Stockwell JD (2021) The extent and variability of storm-induced temperature changes in lakes measured with long-term and high-frequency data. Limnology and Oceanography, 66, 1979–1992. doi: 10.1002/lno.11739.
Les lacs jouent un rôle central dans nos sociétés et offrent de nombreux services à l’Homme, appelés « services écosystémiques », comme l’approvisionnement en eau douce et en nourriture, le maintien d’habitats pour la biodiversité, les transports ou encore les loisirs. Cependant, bien que nous dépendions fortement de ces services, nous ne savons pas aujourd’hui à quel point les lacs peuvent être affectés par le changement climatique et l’intensification des phénomènes météorologiques qui en découle. Alors que l’on sait que les tempêtes affectent l’écologie des lacs et leur biodiversité, l’enjeu est d’en découvrir les mécanismes.
Co-financé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) au sein de son Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) et par le centre d’analyse et de synthèse John Wesley Powell de l’U.S. Geological Survey, le projet de recherche Geisha a permis de réunir une équipe de 39 scientifiques de 20 pays différents pour mettre en commun leurs données et ainsi étudier les effets des tempêtes sur le phytoplancton des lacs et les caractéristiques de son habitat tels que la température, les nutriments et la lumière. Après avoir alerté dès mars 2020 sur les conséquences du manque de connaissance des impacts des tempêtes sur les lacs (voir le communiqué de presse « Ce que nous ne savons pas (sur les lacs) pourrait nous nuire »), les chercheurs travaillent désormais sur l’étude de différents paramètres.
Publiée quelques semaines avant la 26e Cop Climat, leur dernière étude révèle que les fortes tempêtes ne provoquent pas de changements drastiques des températures comme on pouvait l’imaginer. En effet, l’équipe a examiné l’impact des tempêtes sur la température de 18 lacs dans 11 pays en utilisant des données météorologiques, des données hautes fréquences (plusieurs sur une même journée), mesurée à différentes profondeurs de la colonne d’eau et a montré que les tempêtes ne provoquent pas de refroidissements des lacs. Les changements de température de l’eau sont même parfois plus extrêmes au sein d’une même journée entre le jour et la nuit que lors d’une tempête.
Une tempête sur le lac Supérieur (Amérique du nord). Crédit photo : Jessica Wesolek, Centre de recherche et d’éducation sur l’eau douce de l’Université d’État du lac Supérieur.
“Dans les lacs, les changements de température induits par les tempêtes étant globalement minimes, les tempêtes impacteraient les animaux et plantes au travers de la modification d’autres paramètres sensibles aux tempêtes, comme par exemple la lumière ou les concentrations en nutriments. », a déclaré Jonathan Doubek, professeur adjoint à la Lake Superior State University, et ancien post-doctorant du groupe de recherche Geisha. L’impact des tempêtes sur la biodiversité des lacs pourrait donc probablement être dû à la modification d’autres paramètres déterminants pour la croissance et la reproduction des organismes y vivant ou y séjournant. Ces résultats représentent un progrès concret dans la compréhension de la façon dont les lacs sont impactés par les tempêtes.
“L’étude du professeur Doubek souligne l’utilité de partager et combiner des données : nous avons pu découvrir que l’effet des tempêtes sur les températures des lacs n’est peut-être pas aussi fort que nous le pensions auparavant”, a déclaré Jason Stockwell, professeur et directeur du Rubenstein Ecosystem Science Laboratory de l’université du Vermont et un des porteurs du projet Geisha. “Le pouvoir du travail d’équipe collaboratif mondial pour mettre en commun les données et les idées nous permet de mieux comprendre comment notre planète fonctionne et pourrait fonctionner à l’avenir, poursuit-il. Nous avons besoin de ces informations pour protéger les écosystèmes et la santé humaine”.
En effet, avec la crise majeure que traverse la biodiversité, le besoin de synthèse des données scientifiques en écologie n’a jamais été aussi fort. Mises en commun, ces données existantes peuvent alimenter des problématiques inédites, faire avancer significativement les fronts de connaissances et fournir des recommandations pour les décideurs. Depuis sa création en 2010, le Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) permet la collecte et la mise en commun de jeux de données déjà existants dans le domaine de la biodiversité et l’élaboration de méthodes statistiques complexes pour proposer un état des lieux de la biodiversité et en modéliser le devenir. Situé à Montpellier, le Cesab propose un environnement de travail idéal en offrant des conditions propices à la production scientifique et est au cœur d’une des communautés scientifiques les plus dynamiques au monde en écologie (l’université de Montpellier a été classée première université mondiale dans le classement de Shanghai en écologie en 2018 et en 2019).
Programme phare de la FRB, le Cesab (Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité) est une structure de recherche au rayonnement international dont l’objectif est de mettre en œuvre des travaux innovants de synthèse et d’analyse des jeux de données déjà existants dans le domaine de la biodiversité. Localisé à Montpellier, il accueille chaque année de nombreux chercheurs, issus de tous les continents.
Plus d’informations sur le Cesab
Plus d’informations sur le groupe de travail FRB-Cesab Geisha
FRB-Cesab, John Wesley Powell Center (U.S. Geological Survey), Vermont Water Resources and Lake Studies Center de l’université de Vermont, U.S. National Science Foundation, Fulbright Award (U.S. Department of State et Commission Franco-Américaine), Université Savoie Mont Blanc, NERC-funded GloboLakes Project, MANTEL project, Swedish Research Council, BEYOND 2020 project.
University of Vermont (USA), Inrae (France), Université Savoie Mont Blanc (France), Shizuoka University (Japon), University of Helsinki (Finlande), US Geological Survey (USA), Ontario Ministry of Environment, Conservation and Parks (Canada), Queen’s University (Canada), Fondazione Edmund Mach (Italie), Competence Center for Wood and Forestry (Allemagne), University of Konstanz (Allemagne), Uppsala University (Suède), Helmholtz Institute for Functional Marine Biodiversity (Allemagne), University Oldenburg (Allemagne), Universidad de Ingeniería y Tecnología (Pérou), Leibniz Institute of Freshwater Ecology and Inland Fisheries (Allemagne), Freie Universität Berlin (Allemagne), Universidad Nacional del Sur (Argentine), King County Water & Land Resources Division (USA), Marine Institute Newport (Irlande), Center for Ecology and Hydrology (UK), Florida International University (USA), Crater Lake National Park (USA), Potsdam University (Allemagne), Institute of Hydrobiology (République Tchèque), Instituto Tecnológico Chascomús (Argentine), Center for Environmental Biology and Ecosystem Studies (Japon), Rollins College (USA).