Justice bleue : un nouveau mouvement en faveur des communautés côtières, exclues des prises de décision en matière de conservation
“Les communautés côtières, les peuples autochtones et les pêcheurs artisanaux sont intimement liés à l’océan. Pourtant, ces groupes historiquement et structurellement marginalisés subissent souvent un impact disproportionné des dommages côtiers et marins, et sont culturellement et politiquement exclus de la prise de décision des politiques marines et côtières. Cela a entraîné la naissance d’un nouveau mouvement de justice bleue. C’est ce mouvement que nous documentons ici.”
Joachim Claudet, directeur de recherche CNRS au CRIOBE, co-auteur de l’article
Les communautés côtières sont en première ligne de deux facteurs importants et croissants du changement global : le changement climatique, le développement économique, qui peuvent interagir avec la possible expansion de la conservation par zone, conduisant à ce que certains auteurs appellent la « triple exposition ». Si les stratégies visant à maximiser les avantages sociaux des politiques d’adaptation à ces trois facteurs diffèrent, des processus externes peuvent parfois converger pour amplifier les vulnérabilités et les inégalités. Les injustices sociales préexistantes peuvent augmenter la sensibilité des populations aux changements sociaux, environnementaux et politiques, et peuvent limiter leur capacité à s’adapter ou à bénéficier des impacts interactifs de ce qui est parfois appelé “la triple exposition”.
Dans un article publié dans la revue One Earth le 17 février 2023, le groupe de recherche en socio-écologie Blue Justice, financé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) au sein de son Centre de synthèse et d’analyse de la biodiversité (Cesab), soutient, au-delà de la reconnaissance d’une telle “triple exposition”, que les agences de mise en œuvre externes ne peuvent pas atteindre efficacement et équitablement les objectifs d’adaptation climatique, économiques et de conservation sans donner la priorité à la justice sociale et au renforcement de la résilience en générale.
Pour faire avancer cette orientation vers la justice et la résilience, Joachim Claudet – chercheur CNRS, David Gill, chercheur à Duke University (États-Unis), Jessica Blythe – chercheuse à Brock University (Canada), porteurs du projet Blue Justice, recommandent que les acteurs du climat, du développement et de la conservation ambitionnent :
- de s’attaquer aux causes profondes de la vulnérabilité, à savoir les injustices sociales préexistantes ;
- d’utiliser des approches systémiques participatives pour améliorer la compréhension du contexte local et des conséquences potentielles (non) intentionnelles des initiatives proposées ;
- et de développer et tirer parti de partenariats inclusifs entre divers acteurs pour faciliter la conception et la mise en œuvre collaboratives des stratégies identifiées.
Dans un monde en mutation rapide, ces stratégies, appliquées ensemble et adaptées au contexte local, offrent une opportunité de développer des initiatives côtières qui soutiennent le bien-être, la justice et la résilience des populations côtières.
Des mesures qui prennent tout leur sens lors de catastrophes naturelles
Pour illustrer leurs recommandations, les auteurs mettent en avant plusieurs exemples, notamment en lien avec les catastrophes naturelles. Ainsi, en 2020, alors que les efforts internationaux étaient mobilisés par la pandémie, une marée noire est survenue à l’île Maurice. C’est un groupe d’ONG locales qui s’est mis en place pour activer son réseau de bénévoles et fournir les ressources nécessaires aux premières actions de nettoyage. Le vide institutionnel initialement ressenti a contribué à la large mobilisation des communautés locales pour la fabrication et le déploiement d’un filtre “anti-marée” dans la mer. Loin d’entraver cet engagement, les institutions gouvernementales ont ensuite fourni du soutien aux groupes bénévoles jusqu’à ce que des services spécialisés de nettoyage soient formellement mobilisés et que les efforts officiels commencent. Ceci illustre donc bien l’importance des partenariats inclusifs dans la lutte face aux pressions environnementales.
Le projet Blue Justice réunit un panel international (Amérique du Nord, Angleterre, France, Australie, Fidji, Italie, etc.) de spécialistes en biologie marine, biologie de la conservation, socio-écologie et lois environnementales.
Ce communiqué existe aussi en anglais.
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Contact chercheur
Joachim Claudet —
co-auteur, chercheur CNRS