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juillet 2024  I  Article  I   I  Biodiversité et infrastructures linéaires

Diminuer les émissions de carbone de l’UE en augmentant la navigation en eau douce : quelles conséquences pour la biodiversité ?

Auteur : Aaron Sexton (post-doctorant sur le projet FRB-Cesab Navidiv) 

Relecture : Pauline Coulomb, Denis Couvet, Hélène Soubelet 

Référence : Sexton, A.N., Beisel, JN., Staentzel, C. et al. Inland navigation and land use interact to impact European freshwater biodiversity. Nat Ecol Evol 8, 1098–1108 (2024). https://doi.org/10.1038/s41559-024-02414-8  

L’Union européenne réfléchit à réduire ses émissions de carbone en augmentant le recours au transport fluvial par voies navigables intérieures (fleuves, rivières, canaux). Le transport de marchandises par bateau émet en effet moins de carbone par unité transportée que par la route. Or le développement des infrastructures nécessaires (ports, écluses, etc.) modifie les caractéristiques éco-morphologiques des cours d’eau avec de sérieux risques sur leur biodiversité. Dans un contexte de déclin avéré de la biodiversité, une telle mesure ne peut être mise en œuvre sans que ces impacts ne soient mieux compris ni que des solutions pour les limiter ne soient pensées. C’est sur ce sujet que travaille depuis 4 ans un groupe de chercheurs et chercheuses internationaux dont les résultats ont été publiés en avril dernier dans la revue scientifique Nature Ecology and Evolution. 

Diminuer les émissions de carbone de l’UE en augmentant la navigation en eau douce : quelles conséquences pour la biodiversité ?

Environ 20 000 observations de communautés de poissons et de macro-invertébrés d’eau douce sur 32 ans ont été combinées avec des données sur le trafic intérieur en eau douce et les infrastructures de navigation (ports, écluses, canaux) pour mieux comprendre l’impact de la navigation sur la biodiversité. Ce colossale travail de synthèse a été mené grâce au projet de recherche Navidiv, financé par la FRB à travers son Centre de synthèse et d’analyse de données sur la biodiversité (Cesab). Les résultats attestent de l’impact du trafic fluvial sur la biodiversité. Deux conséquences en particulier ressortent, à savoir : 

  • une diminution significative de la biodiversité, notamment par homogénéisation des communautés et plus précisément par perte de richesse taxonomique et de diversité des traits fonctionnels des poissons et des macro invertébrés,  
  • et une augmentation de la présence d’espèces exotiques envahissantes.  

 

Ces conséquences affectent particulièrement les populations d’espèces rares et celles vivant et se reproduisant dans le lit des rivières. Il ressort également de cette étude que le trafic s’avère être un indicateur pour la biodiversité beaucoup plus important que les infrastructures de navigation, en faisant ainsi l’aspect le plus important du secteur de la navigation à prendre en compte en ce qui concerne les coûts liés à la biodiversité. 

 

Outre ces relations entre navigation et biodiversité, les chercheurs et chercheuses se sont demandé si la pression exercée par le transport fluvial sur la biodiversité était amplifiée dans les paysages modifiés par les humains. Dans les paysages largement anthropisés (milieux urbains, terres agricoles par exemple), l’impact négatif du transport fluvial est fortement amplifié pour les communautés de poissons. La diminution de la diversité taxonomique et des traits est plus prononcée dans les zones où la couverture urbaine et agricole est plus importante. D’autre part, les effets négatifs liés aux canaux et cours d’eau redressés sont plus marqués dans les zones où la forêt riveraine a disparu.  

  

Ces résultats mettent en évidence le coût potentiel pour la biodiversité qu’il est nécessaire de prendre en compte face à une augmentation européenne de la navigation en eau douce dans les années à venir. Ces effets négatifs sur la biodiversité sont probablement plus importants qu’ils ne pourraient l’être si la biodiversité avait été prise en compte dans la conception du développement de ces infrastructures. Dès lors, investir davantage dans la gestion et la réhabilitation des voies navigables et dans l’atténuation des effets les plus néfastes de la navigation est indispensable. La création d’habitats à faible débit et de zones où l’impact des vagues des navires est limité pourrait atténuer les pressions sur les espèces vivant dans les lits des rivières. La réduction des polluants issus de la navigation et l’augmentation des habitats riverains le long des voies navigables pourraient également constituer des mesures d’atténuation cruciales. Un nouvel exemple de la nécessité de penser conjointement les enjeux climatiques et biodiversité.  

 

 

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Programme phare de la FRB, le Cesab (Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité) est une structure de recherche au rayonnement international dont l’objectif est de mettre en œuvre des travaux innovants de synthèse et d’analyse des jeux de données déjà existants dans le domaine de la biodiversité. Localisé à Montpellier, il accueille chaque année de nombreux chercheurs, issus de tous les continents.

 

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CONTACT FRB

Pauline Coulomb

Responsable du pôle Communication et valorisation scientifique

 

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