[Aires marines protégées] Une vaste étude sur la taille des poissons pour mieux comprendre l’impact des activités humaines et la pertinence des AMP
Alors que les Nations unies ambitionnent de protéger 30 % des terres et des mers d’ici à 2030, une nouvelle étude ambitieuse démontre l’importance de bien penser ces emplacements en mer pour permettre une protection de tous les groupes de poissons. Ces résultats, portés notamment par des scientifiques du CNRS et de l’Université de Montpellier et impliquant le Centre de synthèse et d’analyse de données sur la biodiversité (Cesab) de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), sont parus le 1er mars dans la revue Science.
Dans une publication parue jeudi dernier dans le journal Science, Tom B Letessier, chercheur à la Société zoologique de Londres (ZSL), et ses collègues livrent les résultats d’une étude impressionnante sur la taille corporelle des poissons. Des données collectées pendant 14 ans ont été analysées, représentant environ 20 000 heures de vidéos sous-marines filmant près d’un million d’individus de 1460 espèces différentes. Un travail d’analyse complexe et de longue haleine mené en France au de synthèse et d’analyse de données sur la biodiversité, le Cesab, de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).
Recueillies grâce à des pièges caméras, ces données ont permis de comparer l’efficacité des zones protégées chez les populations de poissons pélagiques (vivant au-dessus du plancher marin comme les thons, sardines ou encore requins soyeux) et chez les populations de poissons benthiques (vivant sur le plancher marin tels que les raies, limandes ou labres). En effet, en mer, la taille des poissons donne de vraies indications sur leur place dans la chaîne alimentaire, et donc sur le fonctionnement de l’écosystème étudié.
“Pour les populations pélagiques, l’effet des aires marines protégées (AMP) se conjugue avec leur distance de la côte : plus une AMP est éloignée de la côte, plus elle apparaît efficace pour protéger les poissons pélagiques. Ce résultat contraste avec les populations benthiques, pour lesquelles les AMP les plus efficaces se trouvent proches des côtes, et des activités humaines.”
Tom B Letessier
Cette étude rappelle la nécessité de répartir des aires marines protégées entre zones côtières et haute mer afin de permettre aux populations pélagiques, déjà surexploitées, de se restaurer, loin des activités humaines.
Aller + loin : Aires marinées protégées et taille des poissons, un sujet scientifique d’actualité
Pourquoi les poissons des zones benthiques et pélagiques ont-elles des réponses différentes aux activités humaines et à leur proximité ? Les raisons écologiques de ce phénomène sont encore mal connues. Une des hypothèses serait l’absence de « refuge » dans les zones pélagiques, alors que les zones benthiques, du fond de l’océan, offrent une protection aux individus les plus petits ou les plus jeunes, qui peuvent se cacher dans les algues.
D’autres travaux soulignent la complexité des phénomènes écologiques impliqués. Une publication de Chen et al. parue dans PNAS en novembre 2023 montre qu’une augmentation de la survie des individus adultes en zone protégée peut avoir de nombreux effets en cascade et qui varient dans le temps : augmentation de leur taux de reproduction, de leurs densités et donc de leur compétition pour la nourriture, ce qui peut les inciter à sortir de ces zones plus tôt dans leur vie, selon la taille des aires protégées.
L’emplacement et la taille des aires marines protégées sont donc des facteurs fondamentaux à prendre en compte pour protéger au mieux la biodiversité marine.
Référence de l’article :
Tom B. Letessier et al., Divergent responses of pelagic and benthic fish body-size structure to remoteness and protection from humans. Science 383,976-982(2024).
DOI:10.1126/science.adi7562
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Tom B Letessier —
Premier auteur, chercheur ZSL