#ScienceDurable – Restaurer et recycler grâce aux plantes
Auteure : Julie de Bouville, experte en communication
Relecteur : Valérie Bert, chercheuse (Ineris)
Les jardiniers remplaceront-ils un jour les mineurs de fond ? Si les plantes sont utilisées aujourd’hui pour restaurer les sols pollués, certaines méthodes de phytoremédiation vont encore plus loin. Grâce à la phyto-extraction, comprenez l’utilisation de plantes accumulatrices employées pour absorber et concentrer dans leurs parties aériennes des métaux lourds, des chercheurs de l’Ineris sont parvenus, à récolter du zinc et du cadmium des plantes.
Tout commence en 2010 lorsque la communauté d’agglomération de Creil Sud Oise fait appel aux scientifiques pour conduire des recherches en phytoremédiation. La communauté d’agglomération possède alors une longue histoire industrielle de plus de deux siècles qui a laissé en héritage des métaux lourds dans les sols : « lorsque nous avons échangé avec la communauté pour dépolluer, nous avions précisé que nous souhaitions non seulement dépolluer mais aussi valoriser la biomasse produite sur place, précise Valérie Bert, chercheuse à l’Ineris ».
Près du rond-point de 800 m2 où le sol doit être renaturé et dépollué coule une rivière. Les scientifiques vont sélectionner des espèces acceptant les endroits frais, humides et capables de dépolluer le zinc et le cadmium présents dans les sols. Leur choix s’arrête sur un petit arbre : le saule des vanniers, et une petite plante aux fleurs blanches et aux fines feuilles : l’arabette de Haller. Contrairement à d’autres plantes qui bloquent les métaux dans leurs racines, les saules et les arabettes les aspirent par la sève dans leurs parties aériennes. « À chaque fois que ces plantes refont des tiges et des feuilles, elles absorbent une partie de la pollution », explique la chercheuse Valérie Bert.
Cette particularité va permettre aux scientifiques de répondre à leur ambition d’économie circulaire. En effet une fois les feuilles et les tiges chargées en métaux, celles-ci seront récoltées et pourront être réutilisées pour fabriquer des catalyseurs employés dans les procédés pharmaceutiques et chimiques. « Notre objectif, dans le cadre de notre collaboration avec la chercheuse Claude Grison du Laboratoire de Chimie bio-inspirée et d’Innovations écologiques, est de prélever ce « zinc végétal » et de l’utiliser comme alternative au zinc issu des mines, précise Valérie Bert. » Le bois de saule quant à lui pourra être utilisé pour produire de la chaleur.
Aujourd’hui, l’équipe de recherche en est à la phase expérimentale. Elle doit encore opérer un changement d’échelle et évaluer les contraintes techniques, sociales, règlementaires et économiques d’un tel procédé. « Ce marché restera sûrement un marché de niche, tempère Valérie Bert, car les plantes ne peuvent dépolluer que de petits gisements de sol ». La phytoextraction demande en effet beaucoup de temps, parfois des dizaines d’années, car les polluants sont absorbés à mesure que les plantes croissent.
Les avantages de la méthode sont néanmoins nombreux. A priori peu coûteuse par rapport à d’autres techniques traditionnelles de décontamination, elle contribue à l’amélioration du cadre de vie et permet aussi la réutilisation des terres une fois celles-ci décontaminées.
Aujourd’hui, les scientifiques travaillent avec le soutien de l’Ademe sur la question du transfert des métaux dans la chaîne alimentaire en cas d’ingestion des plantes par les animaux C’est en mettant des plantes chargées de métaux lourds au contact d’escargots que les scientifiques ont constaté que ceux-ci refusaient de les manger. « Ce que l’on a pu observer avec les feuilles d’arabette de Haller, c’est que lorsque les feuilles sont peu enrichies en éléments, elles sont mangées. En revanche, celles qui sont enrichies en métaux sont refusées par les escargots. » Une des explications à ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que certaines plantes accumulent des métaux pour se protéger des herbivores et des pathogènes.
L’équipe de l’Ineris cherche à aller plus loin dans la compréhension de ces mécanismes. « Au-delà de ce travail expérimental, nous souhaitons voir si nous ne pourrions pas proposer des listes de plantes dépolluantes qui pourrait éviter toutes éventuelles contaminations environnementales. »
En plus des escargots, les chercheurs se penchent sur la diversité microbienne pour comprendre l’impact de la dépollution sur la fonctionnalité du sol, la biomasse microbienne ou encore l’abondance de vers de terre. Ce projet pilote à l’échelle nationale permettra ainsi d’établir des recommandations en termes de gestion pour savoir si les plantes peuvent être conservées ou non en fonction de leur concentration en polluant.
Chaque mois, la FRB, ses instituts membres fondateurs et l’alliance AllEnvi mettent en avant les solutions de la recherche pour enrayer le déclin de la biodiversité. Suivez-nous sur notre page dédiée et sur nos réseaux sociaux #ScienceDurable
Valérie Bert (Ineris)