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février 2021  I  Article  I  FRB  I  Biodiversité et énergie

#ScienceDurable – Liens entre énergies renouvelables et biodiversité

Auteure :  Julie de Bouville, experte en communication

Entretien avec Michel Trommetter, économiste et directeur de recherche à Inrae

Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les énergies renouvelables devraient représenter dans quatre ans un tiers de la production d’électricité, devant le charbon. Michel Trommetter économiste et directeur de recherche à Inrae a participé à différents travaux portant sur les liens entre énergies renouvelables et biodiversité. Pour la campagne #ScienceDurable, le chercheur est revenu sur les principaux enjeux liés à cette thématique.

#ScienceDurable – Liens entre énergies renouvelables et biodiversité
Le déploiement des énergies renouvelables dans le monde est-elle une bonne nouvelle pour la biodiversité ?

Les énergies renouvelables ont été pensées pour diminuer nos gaz à effets de serre, pas pour diminuer nos impacts sur la biodiversité. Or si certaines requièrent des ressources dont le prélèvement impacte la biodiversité, toutes ont un impact environnemental par l’espace dont elles ont besoin pour se déployer. Pour cela, deux alternatives sont possibles : soit on pratique la déforestation qui contribue à la perte et la fragmentation d’habitats, soit on utilise des terres dédiées initialement à l’agriculture. Une des conséquences à cette seconde alternative est qu’on intensifie la production agricole en utilisant engrais chimiques, herbicides, et pesticides… Et toutes ces pratiques ont un impact sur la biodiversité. A ce problème de gestion de l’espace se rajoute le problème de la gestion des déchets.

 

Quels sont les déchets produits par les énergies renouvelables ?

Pour l’éolien et le photovoltaïque, le démantèlement des installations pose un problème car les matériaux ne sont pas tous recyclés. D’ailleurs dans l’article 1 du code de l’environnement, il est précisé que « Les opérations de valorisation énergétique des déchets, celles relatives à la conversion des déchets en combustible et les opérations de remblaiement ne peuvent pas être qualifiées d’opérations de recyclage. ». Dans le cas des panneaux photovoltaïques, comme nous l’indiquait récemment le CEA1 : « À l’heure actuelle, la solution de démantèlement la plus utilisée consiste à broyer les modules et à les utiliser comme remblais dans le BTP. Quant à la solution thermique, elle reste couteuse en énergie et nocive pour l’environnement. Il est donc critique de trouver de nouvelles solutions de recyclage permettant de récupérer les métaux tels que le silicium, l’argent ou le cuivre.».

 

Pour la méthanisation, les déchets produits par cette technique ont un impact bien plus direct sur la biodiversité. En effet, la méthanisation est un processus biologique de dégradation des matières organiques. Pour méthaniser, il faut des déchets. Or les méthaniseurs ne produisent pas que du gaz. Il reste les digestats qui très souvent sont épandus sur les sols sans association de carbone qui permettrait de les retenir. Résultat cette hyper-fertilisation des sols en nitrate, accentue les risques de pollution des nappes phréatiques. Dans les années à venir, la Bretagne prévoit de multiplier par six ses méthaniseurs. Or cette méthanisation repose principalement sur l’exploitation de porcs et de volailles. Aujourd’hui, certains éleveurs investissent dans la méthanisation faisant de la production d’énergie leur première activité.

 

Pour éviter cela, la récupération énergétique parait une solution intéressante…

Toute la question est de savoir ce que l’on brûle. Mais oui, il existe aujourd’hui des incinérateurs de déchets qui en plus de détruire les déchets, conservent la chaleur produite qui à son tour peut servir, comme à Grenoble par exemple, à chauffer des milliers d’appartements. Ici on élimine les déchets sans en produire de nouveaux. Toute solution est bonne à condition de mettre en place des gardes fous et de règlementer. Il existe également la récupération d’énergie fatale comme celle produite par les Datacenter qui peut servir à chauffer, par exemple, des piscines municipales.

 

Quels sont aujourd’hui les outils de la réglementation permettant d’éviter les dérives ?

La séquence Eviter Réduire Compenser (ERC) est un outil qui permet de réglementer en partie le développement des ENR. Le problème, c’est qu’il peut exister des dérogations. Ainsi, « La production d’électricité éolienne est une raison impérative d’intérêt public majeur. La dérogation de destruction d’espèce naturelle protégée est sollicitée pour un projet entrant dans le cadre du champ d’application de l’autorisation environnementale, cette dernière tient lieu de la dérogation faune-flore. » Décision du préfet avec possibilité de recours au tribunal administratif.

 

Or comme on l’a vu, nulle énergie renouvelable n’est exempte d’impact. Il est extrêmement important que nos gouvernants fassent le lien entre changement climatique et biodiversité. La question de la biodiversité est encore mal comprise. Quand on dit qu’on est à 4 milliards d’années de coévolution au niveau de la planète Terre, personne ne l’entend. Et pourtant, le sol sur lequel nous vivons, est le résultat du fonctionnement des écosystèmes. C’est d’une grande complexité et les solutions simples ne sont en général pas adaptées aux enjeux environnementaux.

 

Y a-t-il des travaux issus de la recherche que vous considérez comme intéressants et qui pourraient permettre une meilleure intégration de tous les problèmes environnementaux ?

La gestion des communs proposée par la Nobel d’économie Elinor Ostrom est une notion très intéressante. L’économiste américaine s’est intéressée à l’élaboration de méthodes pour gérer au mieux des ressources, par nature, rares et altérables. Ostrom s’est attachée à développer des modèles capables de préserver ces communs reçus en partage. Cela fonctionne à condition de reconnaitre à l’environnement une valeur sur le long terme. En pêcherie, par exemple, si vous vendez le poisson et retournez pêcher davantage, tant que vous pouvez vendre, cela conduira probablement à une surpêche. Mais si l’on établit une règle commune pour ne pas pêcher une partie de l’année, les pêcheurs gagneront plus d’argent sur vingt ans, car la filière restera productive. Sur la question des énergies renouvelables, et plus globalement sur la question environnementale, il est extrêmement important d’informer les habitants des territoires afin de leur permettre de décider en toute connaissance de cause. Les résultats vont souvent au de-là que ce qu’on pourrait espérer, il est à citer la convention citoyenne sur le climat qui a fixé des objectifs extrêmement ambitieux.

 

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