IA et biodiversité : des synergies à développer pour préserver la planète
Souvent considérés comme notre « dernière frontière », les océans couvrent environ 71 % de notre planète et concentrent une part essentielle de la biodiversité. Étudier la biodiversité et son évolution représente donc un enjeu scientifique et sociétal majeur pour répondre aux défis posés par le changement climatique et contribuer aux Objectifs du développement durable (ODD) des Nations Unies.
La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estiment que la structuration des données reste l’un des freins majeurs à la connaissance de la biodiversité. Face à la complexité des interactions entre les écosystèmes et à l’hétérogénéité des données, les indicateurs actuels restent limités dans la prédiction des évolutions de la biodiversité, notamment en milieu marin.
L’IA a un potentiel significatif pour répondre à ce défi. En proposant de nouvelles solutions pour collecter, structurer et valoriser les données, l’IA peut fournir des ressources inédites afin de dresser une photographie actuelle de l’état de la biodiversité et de prédire son évolution. Appliquées au milieu marin, ces innovations permettent d’avancer vers le quatorzième ODD, qui promeut la conservation et l’exploitation durable des écosystèmes marins et côtiers.
Partant de ce constat, un appel à projets « Challenge IA-Biodiv » a été lancé en mars 2021. Cet appel est destiné aux communautés scientifiques de l’IA et de la biodiversité afin de mettre en commun leur expertise. Les projets devront répondre à trois objectifs :
- optimiser des méthodes d’IA pour améliorer la recherche en biodiversité marine,
- concevoir des modèles et indicateurs de prédiction innovants,
- élaborer des méthodes d’IA hybrides pour renforcer le développement de notre connaissance des milieux marins.
Ce challenge international s’inscrit dans la dynamique du volet « recherche » de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA) lancée en 2018 afin de renforcer la position de la France dans ce secteur. Il répond à un véritable enjeu d’innovation partagée en impulsant des logiques de co-construction de nouveaux outils.
Les trois projets lauréats du Challenge IA-Biodiv
À l’issue du processus d’évaluation et de sélection mobilisant un panel de chercheurs internationaux indépendants, trois projets portés par des équipes pluridisciplinaires et internationales de chercheurs spécialisés dans le domaine de l’IA et de la biodiversité ont été retenus :
Ce projet a pour objectif de relever trois défis scientifiques : (1) la combinaison ou l’hybridation des techniques en IA afin d’améliorer la justesse et la précision des indicateurs de biodiversité ; (2) le développement d’indicateurs, à plusieurs échelles, capturant les divers aspects de la santé et des pressions pesant sur les écosystèmes marins ; et (3) leur intégration dans un modèle d’IA capable d’expliquer et de prédire la dynamique spatio-temporelle de la biodiversité marine dans des études de cas. Le projet AIME fournira de précieux outils pour accompagner les prises de décision dans les stratégies de gestion des écosystèmes marins côtiers.
Il développera de nouvelles méthodes de gestion et d’intégration des données de la biodiversité des espaces marins côtiers à partir d’algorithmes d’apprentissage automatique pour compléter les données manquantes et construire des indicateurs adaptés pour évaluer la biodiversité des espaces observés. Ce projet propose également de mettre à disposition de la communauté scientifique de grands jeux de données constitués de millions d’images d’organismes planctons.
Ce projet ambitionne de générer des indicateurs écologiques et des modèles prédictifs de la biodiversité des écosystèmes perturbés en combinant des méthodes d’intelligence artificielle aux approches évaluatives connues. Il permettra ainsi de créer la première base de connaissance de biodiversité marine et, par la suite, de développer des modèles de prédiction et d’interprétation. Il vise également à dévoiler des solutions intelligentes pour la nature afin d’assurer la durabilité des systèmes socio-écologiques côtiers.
Le challenge, une modalité originale de recherche collaborative
À l’heure où les défis planétaires sont de plus en plus nombreux et complexes, il devient essentiel d’innover et d’encourager le partage des savoirs pour trouver des réponses appropriées. Instrument de financement spécifique de l’ANR, le Challenge permet d’y répondre, en explorant simultanément différentes approches scientifiques ou technologiques autour d’une même problématique et en mettant en commun les solutions. Il confronte et partage les approches et travaux des consortiums financés, et favorise l’établissement de références communes entre des communautés scientifiques d’horizons divers.
Le Challenge IA-BIODIV sera animé par le consortium opérationnel (COpé), composé du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), pilote du COpé, de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) via l’infrastructure du Pôle national de données de biodiversité (PNDB).
Ainsi, les trois équipes de recherche retenues vont travailler à l’élaboration et au développement de leur projet de manière collaborative et se rencontrer à l’occasion du démarrage du Challenge le 23 février 2022. Leurs travaux, planifiés par le Copé sur 4 ans, porteront sur le milieu marin côtier en mer Méditerranée lors des deux premières années et se concentreront sur l’océan Pacifique les deux dernières. À partir de jeux de données communs, les équipes répondront chacune à des enjeux spécifiques et complémentaires sur la biodiversité marine.
Le COpé jouera un rôle central dans l’organisation et le bon déroulement du challenge : en qualité de tiers de confiance, il assurera l’animation scientifique, l’évaluation des systèmes d’IA, la constitution de jeux de données et leur accès via l’environnement « IA-BiodivNet ». Les trois consortiums de recherche exploiteront et enrichiront de manière collaborative cet environnement numérique pendant toute la durée du Challenge. Ils auront accès aux ressources de calcul intensif de GENCI (Grand équipement national de calcul intensif). La plateforme sera, à terme, accessible à tous scientifiques et chercheurs et contribuera à la diffusion de jeux de données pérennes pour les futurs travaux scientifiques en IA et dans le champ de la biodiversité.