UN MOT DU DIRECTEUR SCIENTIFIQUE DU CESAB
Nous vivons une époque folle ! Le monde est en prise avec une pandémie majeure depuis plus d’un an, avec des conséquences dramatiques en termes de vies humaines et de coûts économiques. Mais paradoxalement, cette crise a réduit (temporairement) notre impact sur la planète, et pourrait donc avoir des conséquences positives sur la biodiversité. Maintenant que nos économies redémarrent, la question est de savoir ce que nous avons appris de cette crise et de ces effets secondaires sur la crise environnementale, afin de ne pas revenir au tant redouté scénario “business as usual” du GIEC !
La communauté scientifique a saisi l’occasion de la crise Covid pour développer encore plus les outils d’interactions virtuelles. Les centres de synthèse ont été à l’avant-garde de cette “mutation”, car notre activité principale consiste à rassembler des scientifiques du monde entier. Nous avons dû rapidement nous adapter à la prise en charge de groupes de travail entièrement virtuels et, après un an, nous pouvons conclure que les réunions virtuelles, bien qu’elles aient constitué une passerelle pendant la pandémie, ne peuvent remplacer les réunions intenses en présentiel (Srivastava et al., 2021). Nous avons (re)découvert que la science, et en particulier la science de la synthèse, est une affaire d’interaction sociales : ces interactions directes alimentent la pensée collective et créative, nécessaire aux groupes pour travailler sur leur projet et, plus important encore, pour travailler sur l’imprévu et proposer de nouvelles idées et méthodes.
© Graeme Mackay
Pourtant, en tant que scientifiques et surtout en tant que spécialistes de l’environnement, nous devons être à l’avant-garde des changements de paradigme que nos sociétés doivent opérer pour atténuer la crise environnementale. Et un de ces changements est justement de virtualiser une partie de nos interactions afin de diminuer nos bilans carbone. Pour répondre à ce besoin, sans pour autant perdre notre capacité à créer collectivement, nous envisageons à terme de réorganiser les centres de synthèse de la biodiversité en pôles régionaux où les équipes de recherche de chaque région géographique pourraient se réunir en présentiel. Ces “hubs régionaux” assureraient une coordination virtuelle entre chaque équipe. Cela n’exclura pas la possibilité de réunir les groupes au complet sur la durée de vie d’un projet, mais pourrait réduire considérablement le nombre de voyages et donc l’impact carbone des groupes de travail de synthèse. Cette réorganisation de notre modèle prendra du temps mais cela en vaut la peine !
La crise du Covid ne doit pas nous faire oublier la crise environnementale, elle doit plutôt illustrer comment l’humanité peut travailler ensemble pour résoudre une crise globale. Mais elle illustre aussi combien il est coûteux de résoudre une crise lorsque celle-ci est à son apogée. Les crises environnementales ne font que commencer. Espérons que nous paierons le prix nécessaire pour les arrêter avant que nous ne puissions plus nous le permettre …
Ces six derniers mois ont été particulièrement chargés pour l’équipe et les groupes du Cesab. Cette newsletter reflète ce foisonnement et le meilleur reste encore à venir avec de nombreux nouveaux groupes qui vont commencer cette année et l’année suivante. Je tiens ici à remercier chaleureusement le personnel du Cesab et de l’ensemble de la FRB ainsi que le comité scientifique du Cesab pour le travail incroyable qu’ils ont déjà réalisé cette année ; et je remercie vivement l’ensemble de la FRB et ses fondateurs de rendre tout cela possible. Avec les 4 projets financés dans l’appel 2020 et les 2 projets financés dans notre appel conjoint France-Brésil, le Cesab accueillera 20 groupes actifs d’ici 2022. Cette dynamique positive reflète notre volonté collective de répondre au besoin de synthèse sur la biodiversité ainsi que l’incroyable qualité et maturité de la communauté scientifique sur ce thème. La synthèse nous aidera à affronter la crise de la biodiversité avant qu’elle n’atteigne son paroxysme et je suis fier, qu’à sa petite échelle, le Cesab contribue à cet objectif.
Nicolas Mouquet